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A l'ère du numérique et du selfie à tout-va, Aude Boissaye et Sébastien Randé ont remis au goût du jour une technique photographique du XIXe siècle, savant mélange d'alchimie et de savoir-faire. Le collodion humide, de son petit nom, a démocratisé le portrait en son temps. Baudelaire, côté français, Abraham Lincoln et Billy the Kid, outre-Atlantique, ont pris la pose devant les pionniers de la photo. Aujourd'hui, ils sont remplacés par des amateurs d'objets uniques.


PHOTOGRAPHIE. Niché au fond de la cour d'un immeuble de la rue Crespin-du-Gast, dans le XIe arrondissement de Paris, le Studio Cui Cui abrite une expérience à contre-courant du tourbillon de la vie. Les photographes, Aude Boissaye et Sébastien Randé, ont pris le pari de faire prendre leur temps aux amateurs de beaux objets. De photos, en fait. "Pendant deux heures ", nargue presque ce dernier. Ils font partie de la poignée de Français à se frotter au collodion humide, une technique ancienne réapparue aux Etats-Unis, avec laquelle le résultat n'est jamais sûr. Même l'humidité et la température sont à prendre en compte.


C'est Aude Boissaye qui a eu l'idée de remettre ce procédé au goût du jour. Il faut dire, qu'avec son rendu, le collodion - apparu dans les années 1850 - avait tapé dans l'œil du tandem il y a belle lurette. Il permet de réaliser des photos argentiques sur une plaque de verre ou de métal " vrai négatif, qui se transforme en positif quand tu la mets sur un fond noir ", résume Sébastien Randé. Il a aussi le chic pour donner du relief à certaines matières comme le cuir, la laine...

Formé par l'Alsacien Eric Antoine, le photographe reconnaît une limite au collodion humide: il n'autorise pas les photos d'action. Alors, une fois l'émulsion photosensible prête, le labo et les plaques bien nettoyés, l'étape la plus longue réside dans le choix de la pose qui sera fixée éternellement par les cristaux d'argent sur la plaque-photo. Du coup, " les gens sont plus concernés ". Et le tirage doublement précieux. En plus d'être unique, il ne prendra jamais une ride une fois scellée, grâce à la fine couche de métal précieux.

 

En poussant pour la première fois la porte du studio, Caroline, modèle du jour, découvre d'abord l'étrange appareil avec lequel elle sera photographiée. C'est une chambre identique à celle utilisée par les pionniers de la photo.  Elle est équipée d'un objectif, de mollettes pour faire la mise au point, et d'une vitre montée sur un châssis, devant laquelle la plaque nappée de collodion sera glissée. Rien d'autre.

 

"Il colle, il accroche"

Les photographes lui expliquent ensuite la particularité du collodion : " Il colle, il accroche. C'est ce qui lui a valu son nom. En grec, collodios signifie coller ", précise Sébastien Randé. " Dans le milieu médical, le collodion sert à produire une sorte de pansement. Et au cinéma, il sert à réaliser des effets spéciaux ", ajoute Aude Boissaye. Des rides plus marquées, de fausses cicatrices, de fausses brûlures...  Composé de nitrocellulose dissous dans un mélange d'alcool et d'éther, il est explosif. " Nous l'achetons en pharmacie. Il est dilué à 4% ", rassure-t-elle. Il n'en reste pas moins très irritant. Caroline va de découverte en découverte. Ses grands yeux bruns pétillent.

Après la théorie, la pratique. Guidée par le binôme, la jeune femme réfléchit à la pose idéale. " Il faut pouvoir la tenir entre 5 et 8 secondes ", chiffre Aude Boissaye. Exit, donc, l'idée du sourire radieux. Il risquerait de finir crispé. Le choix doit aussi refléter la personnalité du modèle. Des images de soleil plein la tête et du Vivaldi dans les oreilles Caroline, fan des Quatre Saisons, se détend et se prend au jeu.  Une fois la pose arrêtée, la brunette se fige quelques secondes, jusqu'au coup de flash.


Après, tout s'accélère. Sébastien Randé fonce dans le labo, la plaque-photo à la main. Il est suivi par son modèle désormais spectateur d'un ballet de quelques minutes à peine, dont le photographe est le personnage central. Ses gestes sont vifs, d'une précision chirurgicale. La moindre maladresse, inattention ou poussière peut faire surgir une trace et tout gâcher. Soudain, l'image apparaît. L'instant est magique.

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Le choix de la pose est essentiel. Le modèle devra la tenir au moins cinq secondes pour éviter que la photo ne soit floue.

Pour Aude Boissaye, ça ne fait pas un pli : " Le plus amusant, c'est la réaction des gens quand ils découvrent l'image. Tu la vois surgir, tu ne sais pas à quoi t'attendre ". En se voyant, un jeune homme n'a pas pu retenir un " p..., je suis beau ". Caroline, elle, a été plus sage dans le choix de ces mots mais l'expérience l'a bluffée. Reste qu'un bouton, le jour de la séance peut jouer les trouble-fête. Le rendu ne pardonne pas et avec cette technique, la retouche est impossible.

 

PAR CATHY GERIG

Collodion humide

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Après la théorie, la pratique. Guidée par le binôme, la jeune femme réfléchit à la pose idéale. " Il faut pouvoir la tenir entre 5 et 8 secondes ", chiffre Aude Boissaye. Exit, donc, l'idée du sourire radieux. Il risquerait de finir crispé. Le choix doit aussi refléter la personnalité du modèle. Des images de soleil plein la tête et du Vivaldi dans les oreilles Caroline, fan des Quatre Saisons, se détend et se prend au jeu.  Une fois la pose arrêtée, la brunette se fige quelques secondes, jusqu'au coup de flash.


Après, tout s'accélère. Sébastien Randé fonce dans le labo, la plaque-photo à la main. Il est suivi par son modèle désormais spectateur d'un ballet de quelques minutes à peine, dont le photographe est le personnage central. Ses gestes sont vifs, d'une précision chirurgicale. La moindre maladresse, inattention ou poussière peut faire surgir une trace et tout gâcher. Soudain, l'image apparaît. L'instant est magique.